L’urgence dans le travail social : nouvel appel à communication de la revue Pensée Plurielle

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L’urgence dans le travail social : nouvel appel à communication de la revue Pensée Plurielle

L’urgence est progressivement devenue une idéologie envahissante caractéristique de nos sociétés modernes. Initialement rattachée au champ médical, elle s’est étendue jusqu’à toucher tous les domaines de la vie sociale et la pratique de l’intervention sociale n’y fait pas exception.

Dans le secteur du travail social, elle recouvre la reconnaissance de deux réalités : la situation d’urgence et l’intervention d’urgence, autrement dit le besoin et la réponse à ce besoin. Le prochain numéro de la revue Pensée Plurielle  à la quelle contribue les équipes de recherche d’ESSLIL, s’intéressera à la notion d’urgence dans le travail social en privilégiant les contributions permettant de nourrir la réflexion articulant retours de terrain et éléments théoriques.

A titre de suggestion, 4 axes de contributions sont proposés :

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URGENCE ET NOUVELLE GESTION PUBLIQUE

Sur le terrain de l’action sociale, l’urgence peut apparaître comme l’une des conséquences du New public Management (Bezès, 2008). Ce mouvement participe de l’expansion du néo-libéralisme. Il désigne la tendance de l’action publique à adopter le référentiel d’action du secteur privé et à utiliser ses méthodes : application de techniques de gestion, mise en concurrence, valorisation de l’efficience, managérialisation des services administratifs, (Bezès, 2012 ; Henry et Pierru, 2012). 

Dès lors, de nouvelles méthodes d’action et d’évaluation s’institutionnalisent mettant en valeur la logique gestionnaire court-termiste (Bruno et Didier, 2013 ; Mercier, 2001) et la culture du chiffre et du résultat (Salais, 2010). 

Dans ce contexte, le travail social est confronté aux notions d’efficience, de productivité et de responsabilisation (Kyte, 2020 ; Pierret, 2022 ; Bellot et al., 2013). La temporalité de l’intervention sociale s’en trouve nécessairement modifiée. Les pratiques s’accélèrent, les durées d’accompagnement se raccourcissent. 

Dans les établissements, la pression relative à la préparation des usagers à la sortie des établissements s’intensifie (Wolff, 2022 a). Dans ce contexte, le sentiment d’urgence trouve un terrain favorable à son expansion. 

Aux yeux de nombreux professionnels, le temps consacré au travail administratif ou gestionnaire s’intensifie en rognant sur le temps de la relation d’aide ou d’accompagnement (Molina, 2014). 

L’urgence permanente, le règne du temps court ou la faible reconnaissance du temps consacré au travail du care souvent invisible (Benelli & Modak, 2010) peuvent ainsi participer à l’épuisement des professionnels et à la quête de sens qui traverse aujourd’hui le travail social (Jaeger, 2010)

L’URGENCE SOCIALE

Notion polysémique, celle-ci désigne globalement « la nécessité d’intervenir immédiatement et d’apporter une réponse, dès lors qu’il s’agit d’une situation imprévue, estimée menaçante et mettant les conditions d’existence de personnes et/ou familles en péril » (Brémond et al, 2022). 

De manière récurrente, ce type d’intervention implique l’immédiateté de la réponse, la proximité avec l’usager et l’anonymat ou tout du moins, l’inconditionnalité de l’accueil.

Cette modalité d’intervention est tantôt légitimée par les professionnels, tantôt décriée. Pour ses partisans, l’urgence sociale doit permettre une réponse rapide aux besoins des personnes en situation de crise. 

Cependant, ses opposants soulignent le caractère chronique, itératif et partiel des interventions en urgence, qui s’avèrent souvent insuffisantes dans le traitement de problématiques sociales globales et chroniques (Wolff, 2022 b)

Dans l’interrelation avec les usagers, l’intervention sociale en urgence convoque la reconnaissance d’autrui, mais de nombreuses tensions traversent également cette relation d’assistance (Cefaï & Gardella, 2011). 

La situation d’urgence bouleverse les pratiques habituelles ; elle réfère à l’écart à la norme, à l’adaptation aux profils inhabituels. Derrière les règles et les procédures se trouve une réalité autrement complexe, susceptible d’arrangements, d’ajustements dérogeant à la rigueur des normes officielles, pour s’ouvrir à la particularité des situations complexes et à la variété des situations. 

Les difficultés exceptionnelles et les problématiques de type humanitaires peuvent ainsi faire l’objet d’une « ethnographie morale de l’urgence » (ibid).

LES POLITIQUES SOCIALES

Dans sa dimension collective, le règne du temps court renvoie aux décisions politiques et aux dispositifs d’urgences qui se multiplient. Il s’agit de répondre dans l’immédiat aux besoins sociaux des citoyens, notamment dans les contextes de crises qui se succèdent, qu’elles soient de nature économique, énergétique, sociale ou encore sanitaire, comme le rappellent les récents évènements liés au coronavirus.

Cette rhétorique se développe dans les politiques publiques avec une acuité particulière depuis les années 1980 (Lipski & Steven Rathgeb Smith, 2011). A cette époque, dans la majeure partie des pays occidentaux, plusieurs problèmes sociaux ont été (re)découverts et désignés sous la notion d’urgence. 

La faim, le sans-abrisme, ou encore les violences conjugales, sont ainsi devenus des « urgences sociales » dans le débat public. Cette rhétorique politique de l’urgence sociale révèle les modalités de hiérarchisation des problèmes sociaux et l’existence de jeux d’acteurs qui cherchent à prioriser leur préoccupation sociale sur l’agenda politique (ibid.).

 Ce paradigme ouvre de multiples débats, notamment liés à la pérennisation des dispositifs d’urgence, aux relations entre les gestionnaires et les financeurs et aux frontières entre le travail social professionnel et l’engagement bénévole.

LA RELATIVITE DE L’URGENCE

Dans cette configuration l’urgence vécue par l’usager n’est pas nécessairement celle du travailleur social et vice-versa. En outre, le type de d’intervention menée en urgence varie d’un point de vue géographique selon les territoires, mais aussi d’un point de vue temporel, suivant notamment les évolutions des décisions institutionnelles. Ce qui peut relever d’une aide sociale urgente dans un territoire/établissement peut ne pas en relever dans un autre. Quant aux décisions institutionnelles, elles peuvent être susceptibles d’évolution : les aides urgentes, leurs barèmes ou leurs degrés d’attribution peuvent ainsi varier selon les périodes et parfois même connaître de multiples de changements dans un temps relativement courts. Ces évolutions peuvent déstabiliser les travailleurs sociaux dans leurs relations aux usagers.

Les contributions comprendront éléments empiriques (retours d’expériences, analyse de pratiques professionnels, enquête de terrain …) et éléments théoriques. 
– Réception des propositions de contribution : 03 juin 2024
– Réception des articles : 26 août 2024
– Envoi des articles au comité de lecture : 01 septembre 2024
– Demande des corrections aux auteurs : 15 octobre 2024
– Réception des corrections des auteurs : 30 octobre 2024
– Parution de la revue : décembre 2024

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